Beyond Bézier: Exploration des méthodes de dessin dans la conception de caractères

Beyond Bézier: Exploration des méthodes de dessin dans la conception de caractères

Au début de la typographie numérique, plusieurs méthodes ont été explorées pour dessiner des formes de lettres. L’une d'entre elles, la courbe de Bézier, un algorithme qui génère des courbes avec une petite quantité de données, présente l’avantage crucial d’économiser la mémoire de l’ordinateur et les ressources de traitement. C’est aujourd’hui le standard de l'industrie. Ce projet vise à remettre en question ce standard et à le réévaluer en allant au-delà des tendances établies. Il développe des idées novatrices en explorant des méthodes alternatives pour dessiner des courbes et des formes de lettres.

Projet de recherche (2024) avec Matthieu Cortat, Alice Savoie, Kai Bernau, Radim Peško, Roland Früh

Savoir-faire
Type design

Beyond Bézier est une investigation des approches existantes du dessin de lettres. C’est aussi l’expérimentation de nouvelles méthodes de dessin et de création.

En tant que dessinateurs de caractères et formateurs en typographie, nous avons ressenti ces dernières années les impasses que le dessin vectoriel et les logiciels contemporains apportent, générant de plus en plus de polices de caractères qui se ressemblent. En recherchant et en expérimentant différentes approches du dessin, notre pédagogie du design sera nourrie de cette expérience et partagée avec un public plus large par le biais d’un site web dédié. Si le vecteur est la frontière actuelle du dessin de caractères, de nouvelles perspectives s’ouvriront si nous dépassons cette frontière.

Selon le psychologue israélo-américain et lauréat du prix Nobel Daniel Kahneman, la pensée fonctionne selon deux systèmes : « Le système 1 fonctionne automatiquement et rapidement, avec peu ou pas d’effort et sans aucun sentiment de contrôle volontaire. Le système 2 alloue l’attention aux activités mentales exigeant un effort, y compris les calculs complexes. Les opérations du système 2 sont souvent associées à l’expérience subjective de l’action, du choix et de la concentration. »1 On pourrait dire que les concepteurs travaillent dans le cadre du système 1, alors que les bons concepteurs utilisent davantage le système 2.

La lutte contre l’automatisme est en effet un aspect important de la créativité. Lorsque l’on travaille uniquement avec des vecteurs, un seul système est à l’œuvre. Le fait de dessiner avec des approches différentes peut déclencher de nouvelles idées et de nouvelles formes, comme les limites physiques de vos outils peuvent donner naissance à de nouvelles formes.2 Lorsque le dessin vectoriel devient automatique (par la mémoire musculaire du dessinateur ou par des choix induits par le logiciel), tout un pan de la créativité disparaît. Il se peut aussi que la possibilité de passer d’un système à l’autre améliore la créativité. Ceci est comparable à l’hypothèse de Jean-François Billeter sur le fonctionnement de la créativité : il la compare à un changement de vitesse dans la conduite d’une voiture. Le moment où la tension est relâchée entre deux régimes de fonctionnement différents est le moment de la révélation, de la création.3

Un autre aspect très important est l’approche collaborative. La création de caractères a longtemps été – et est toujours – considérée comme une pratique solitaire, avec les créateurs dans leur tour d’ivoire. L’approche de Beyond Bézier est collaborative. Elle partage les matériaux et les approches. Beyond Bézier est un projet qui peut nourrir les designers, les étudiants en design et tous ceux qui s’intéressent à la façon dont les humains peuvent créer. Il ouvre la porte à d’autres développements, comme un outil numérique - un logiciel basé ni sur les vecteurs, ni sur les bitmaps, ni sur les systèmes paramétriques. Le groupe travaille simultanément sur cinq axes différents qui représentent différentes méthodologies de dessin. Chaque chercheur est chargé de coordonner un axe tout en contribuant simultanément aux autres axes. Les cinq axes sont les suivants : 
1          Le trait
2          La surface
3          Le collectif
4          Le robot
5          Les mathématiques
Les axes 1 et 2 remettent en question les méthodes traditionnelles de création de polices de caractères, en s’intéressant principalement aux outils et instruments utilisés pour la création. Les axes 3 et 4 s’intéressent plutôt à qui conçoit, dans quels contextes, par le biais de la collaboration et de l’échange. L’axe 5 est transversal. 

 

Références

1. KAHNEMAN 2011, Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow, Farrar, Straus and Giroux, New York, 2011.
2. BERNAU 2022, Kai Bernau, ‘Every Tool Leaves a Trace’, Ecal-Typefaces, 2022. https://ecal-typefaces.ch/everytoolleavesatrace. Last accessed 20 February 2023.
3. BILLETER 2012, Jean-François Billeter, Un Paradigme, Allia, Paris, 2012.
 

Requérant principal

Matthieu Cortat-Roller

Équipe de recherche

Alice Savoie (ECAL)
Kai Bernau (ECAL)
Radim Peško (ECAL)
Roland Früh (ECAL)
Florence Yerly (HE-FR)
Micha Wasem (HE-FR)

Assistant·es

Raphaela Haefliger (ECAL)
Nicolas Bernklau (ECAL)

Étudiant·es

ECAL MATD 1 et 2 (ateliers)

Durée

01.09.2023 – 28.02.2025

Soutenu par

HES-SO, Réseau de Compétences Design et Arts Visuels 

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The Stroke: Students experimenting with string calligraphy during the Tools Make Shape class by Kai Bernau.
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The Surface: Experience in drawing counterforms with lines by Matthieu Cortat.
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The Robot: Experimentations with autotracing algorithms by Alice Savoie.
ECAL_BB_web_TheMathematics.jpg
The Mathematics: Deformations of a letter using a Fourier-type approach by Micha Wasem.
ECAL_BB_web_TheCollective.jpg
TheCollective: Typografting (2023), by Radim Peško